Dans vos jardins, vous avez l’habitude de nous combattre, nous, plantes sauvages qui poussons en compagnie de vos légumes cultivés comme si nous étions vos ennemies. La nature est ainsi faite, chaque morceau de terrain nu se recouvre inévitablement d’un tapis de verdure. Des milliers de graines sont en dormance dans le sol et attendent le moment propice. Germeront en priorité celles d’entre nous qui ont besoin d’un sol nu et aéré pour se développer. On nous appelle les « adventices » des cultures ou plus communément les mauvaises herbes.

Pourquoi sommes dénommées «mauvaises herbes» ?

  1. Nous dérangeons par notre arrogance à pousser là où on ne sommes pas invitées et par notre caractère parfois un peu rebelle !
  2. On nous accuse d’être en concurrence avec les plantes cultivées pour la lumière, l’eau et les éléments nutritifs du sol.
  3. On nous accuse d’étouffer les semis, les plantations et d’héberger  des hôtes indésirables (notre ami le mouron est l’hôte de la mouche blanche).

Si notre côté « envahissant » est bien connu, nos nombreux avantages sont eux méconnus. Voici 10 avantages des mauvaises herbes:

  1. Nous, plantes sauvages, avons chacune des exigences pour notre développement. Nous sommes donc d’excellentes indicatrices des propriétés des sols, telles que sa richesse ou son acidité, la présence de calcaire ou d’azote, l’excès d’humidité ou la présence d’un terrain asphyxié. Nous vous enseignons l’indispensable du sol pour connaître la terre de vos jardins.  [Ainsi, nous, chénopodes et pourpiers sauvages,  avons trouvé un terrain de prédilection neuf, riche et sableux pour prospérer lors de la création des jardins familiaux de Challans, en Vendée.]Prêle
  2. Nous formons un tapis d’herbes sauvages qui est une couverture protégeant la terre des agressions du froid, du soleil et du lessivage des éléments nutritifs par la pluie.
  3. Par le travail de nos racines, nous aérons et améliorons la texture du sol. Nous puisons en profondeur de précieuses substances nutritives qui se retrouvent dans la plante. Certaines d’entre nous sont de véritables ascenseurs hydrauliques.  Lorsque nous mourons, ces substances vitales sont libérées et mises à la disposition pour la génération future par le biais de la décomposition. Celle-ci  s’effectue grâce à tous les micro et les macro-organismes qui vivent dans la couche supérieure du sol, l’humus. Bactéries, champignons, vers de terre et des milliers d’autres habitants participent à la transmission de ces éléments vitaux.
  4. La vie microbienne est la base de la fertilité du sol. Nous, les plantes sauvages la favorisons en permettant aux autres plantes, dont les légumes cultivés, d’assimiler les éléments nutritifs nécessaires à leur croissance.
  5. Nous protégeons vos légumes et vos arbres fruitiers des attaques d’indésirables. Nous sommes en première ligne dans le combat. Ainsi, les fourmis préfèrent élever leurs pucerons sur notre ami, le tendre chénopode plutôt que d’envahir l’artichaut ou son cousin le cardon (spécialité de la région lyonnaise), les cerisiers et griottiers. Coccinelles sur chénopodesSi les coccinelles ne sont pas venues à bout des pucerons, le jardinier saura nous éliminer en nous ajoutant à son purin (avec les pucerons bien entendu!). La stramoine commune, (Datura stramonium) aussi appelée herbe aux sorcières, pomme épineuse est une plante très toxique, dont il faut absolument limiter l’expansion, a été utilisée par d’anciennes civilisations comme les Aztèques pour ses propriétés hallucinogènes. De la famille des Solanacées, comme la pomme de terre, la tomate, l’aubergine, elle attire les larves du doryphores qui meurent empoisonnés en y goûtant ce qui en fait une excellente compagne des pommes de terre ou des aubergines. Son odeur repousse les mulots et autres rongeurs.Datura sauvage
  6. Nous offrons le couvert, mais aussi le gîte à de nombreux insectes amis du jardinier qui se nourrissent des insectes amateurs de vos tendres légumes.
  7. N’oubliez pas les oiseaux qui se nourrissent de nos graines, de nos fruits [qui parfois sont toxiques pour l’homme] et des larves d’insectes qui y ont trouvé refuge.
  8. Lors d’un désherbage, profitez de notre présence et de notre richesse en substances nutritives pour nous redonner à la terre en nous laissant sur place en un paillis, appelé « mulch » qui limitera la poussée de nouvelles herbes. Avant notre montée à graines, nous pouvons également être compostées.
  9. Notre floraison est moins « tape à l’œil » que toutes les plantes ornementales qui ont été « améliorées » pour le plaisir des yeux. Mais beaucoup sont dépourvues de nectar et de pollen et donc n’attirent ni les papillons, ni les indispensables insectes pollinisateurs de nos fruits et légumes.

Nous contribuons à la mise en place d’un équilibre naturel par la lutte biologique spontanée qui s’opère entre les plantes et et êtres vivants partageant le même espace. Nous augmentons la biodiversité qui est un principe fondamental de la vie sur terre. et ce n’est pas tout…

Certaines d’entre nous  sont comestibles et/ou médicinales.

Gardons ce dixième point pour la bonne bouche !  « Mais il est malade!» dirait Bernard, son voisin de jardin et pourtant…

  • Pourquoi autant d’indifférence, voire de mépris, pour nous, légumes mis gratuitement à votre disposition, nous qui sommes beaucoup plus riches en substances nutritives que les plantes cultivés. En effet, nous ne recevons aucun soin modifiant notre capacité à concentrer nos éléments vitaux. Nous sommes soumises à la dure loi de la sélection naturelle, nous procurant plus de vitalité qu’aux plantes cultivées. En outre, nos graines n’ont subi aucune « amélioration ».
    • Peut-être parce qu’il vous est difficile d’imaginer une salade verte, une salade de tomates ou de concombres auxquelles on rajoute du pourpier sauvage ?Salade de pourpier
    • Peut-être parce qu’il est difficile de penser qu’une quiche « aux chénopodes » soit aussi bonne qu’une quiche lorraine ?

    Détrompez vous, il y a tant de saveurs nouvelles à découvrir. Les grands cuisiniers l’ont bien compris et savent exploiter le filon !  Cela fait « tendance »: par exempleMarc Veyrat, le célèbre cuisinier au chapeau noir, propose , au bord du lac d’Annecy, un turbot vapeur au chénopode Bon Henri !

  • Pourquoi courir à la pharmacie lorsque la fatigue se fait sentir pour y acheter des compléments vitaminés alors que nous, herbes sauvages, renfermons de très nombreux éléments nutritifs (minéraux, vitamines, chlorophylle, protéines , acides aminés,…) qui sont parfaitement assimilables par l’organisme ?

Mais pour cela, il faut nous connaître!  Eh oui, l’auteur de ce blog aurait dû enregistrer ce savoir ancestral que sa grand-mère  paternelle détenait, mais il était plutôt occupé à lui jouer des tours !  Heureusement pour cette « graine d’ortie », plusieurs événements l’ont remis sur notre chemin :

  • Au Pensionnat, la « cuisinière » savait rajouter aux légumes traditionnels bon nombre d’entre nous, pissenlit, chénopodes, bourrache, berce, ortie, pourpier et autre consoude… pour rassasier les ventres affamés. Elle était heureuse de faire connaître les bienfaits de ces plantes sauvages. « Vous savez, ces plantes sont bonnes pour votre santé…»
  • Au cours des « classes vertes », notamment celle sur la Péniche de l’Environnement, descendant le Rhône de Lyon au Pouzin, nous, plantes sauvages comestibles et médicinales, avons trouvé un bon avocat en la personne d’un moniteur, Antoine, féru de botanique, qui, à chaque escale a su faire découvrir aux élèves (et à leur maître, qui, cette fois, a su exploiter le filon!) toutes nos vertus, et , tandis que la péniche poursuivait sa descente sur le Rhône, a fait constituer un herbier et préparer des infusions.
  • Le club botanique de Saint-Romain de Surieu, nous mit également à l’honneur par constitution d’un repas uniquement avec des plantes sauvages du jardin et des prés (ci-dessous le préparation de le grande berce).Saint-Romainet de succulentes boissons.Saint-Roma (6)
  • Nous étions également présentes dans bon nombre de « chambres d’hôtes » dont une près du Mont Gerbier de Jonc, dans laquelle la moitié du repas était constitué de plantes sauvages.
  • Aujourd’hui, comme nous sommes redevenues « tendance », de nombreux magazines ou livres nous remettent au goût du jour.

Nous, 5 mauvaises herbes qui poussons en été avons un excellent CV .

Moi, pourpier sauvage (Portulaca oleracea) de la famille des Portulacées,

je suis une mauvaise herbe des jardins à terre riche et sableuse. Je prospère dans les jardins familiaux de Challans, notamment dans les parcelles de Jean-Claude, de Chaïma, de Franck, et de votre humble serviteur !

Pourpier

  • Mes tiges rougeâtres qui s’étalent en étoile, résistent à la sécheresse.
  • Mes jeunes pousses, un peu grasses, sont très recherchées pour la confection de salades rafraîchissantes, légèrement acidulées.
  • Je suis présent à profusion les jardins à partir du mois de mai jusqu’à l’automne (si vous m’épargnez!). Je n’ai  besoin ni d’eau ni de nourriture.
  • Si vous me faites cuire, enlevez mes tiges dures et mélangez-moi à d’autres légumes, car ma richesse en mucilage ne me rend pas trop appétissant. Ma cuisson neutralise mon acidité.
  • Je suis riche en:
    • magnésium et calcium,
    • potassium et fer,
    • vitamines B1, B2 et C,
    • provitamine A,
    • oméga-3
  • Des graines de pourpier à cultiver sont disponibles dans certaines jardineries, mais ce cousin riche en eau est moins riche que moi en éléments nutritifs !

Moi, chénopode (Chenopodium), je suis bien connu de vous, lecteurs assidus.Chénopodes

  • Toutes les espèces se consomment. Consommez-moi sans excès, car lorsque je grandis, je m’enrichis en oxalates qui risquent de diminuer l’absorption du calcium, dont vous avez tant besoin. Et je ne voudrais pas vous indisposer !

>> retrouvez-moi dans l’article « Essayer le chénopode« .

Moi, l’ortie de la famille des Urticacées, j’ai mauvaise presse, je suis une mauvaise herbe mal-aimée … et pourtant je ne manque pas de piquant :Ortie dioique

  • Ma mauvaise réputation vient du fait que je suis recouverte de poils rigides qui se brisent au moindre contact et laissent échapper un liquide urticant. L’auteur de ce blog ne me craint pas !
  • Cueillez-moi dans un endroit sain. Évitez les sols pollués car j’ai tendance à fixer les métaux lourds, les pesticides et les nitrates et même les substances radioactives, tout comme l’asperge, les champignons et de nombreuses plantes aromatiques. Nous sommes qualifiés de « fossoyeurs de la Nature ».
  • Je suis un légume que l’on peut consommer crue au printemps , ou cuite à l’étouffée ou encore blanchie avant d’accompagner une omelette.
  • Je trouve ma meilleure utilisation dans les potages (une soupe d’ortie est un délice !) et surtout dans la crème d’ortie, succulente préparation culinaire.
  • Je suis également utilisée pour colorer les aliments et préparer la chlorophylle.
  • Pour ceux qui ne m’apprécient pas, je sais fournir un excellent purin aux mille vertus!

>> tout connaître mon CV.

Moi, la bourrache (Borago offininallis), j’appartiens à la famille des Boraginacées, vous me connaissez également:

  • Je suis une plante annuelle des terrains riches, pas trop secs, dont les fleurs bleues en étoiles, très mellifères, séduisent. On me surnomme « le pain des abeilles ».
  • Mes fleurs décorent vos salades et ont léger goût d’huître.
  • Je suis un excellent légume, mis à disposition, à moindre travail. Consommez-moi avec modération.
    • Mes jeunes feuilles, à pilosité drue, à l’odeur et à la saveur de concombre, se mettent hachées dans les salades.
    • Cuit, je deviens un légume agréable et doux utilisé dans un maximum de plats, en beignets, soupes ou légumes.
  • Je suis riche en
    • sodium et potassium,
    • calcium et manganèse,
    • provitamine A et vitamine C.
  • J’ai de nombreuses propriétés médicinales: laxative, dépuratives et fortifiantes. Mes fleurs sont expectorantes.
  • Beaucoup de femmes et de plus en plus d’hommes apprécient sur ma peau mon huile, extraite à froid de mes graines : elle prévient la formation des rides et permet à la peau de retrouver souplesse et tonus. [Cette huile, extraite en infime quantité, est très intéressante par sa richesse en acides gras, tels que l‘acide gammalinolénique, excessivement rare et l’acide linoléique].
  • Mon seul défaut est d’être envahissante. [Les fils de l’auteur de ce blog en savent quelque chose !]

>> retrouvez mon CV complet dans « Cultiver la bourrache« .

Moi, le souci des jardins (Calendula officinalis), j’appartiens à la famille des Astéracées  anciennement les ComposéesSouci

Je suis un des chouchous des jardiniers:

  • J’émets une substance faisant fuir les insectes.
  • Cultivée la première année, moi aussi j’ai tendance, les années suivantes,  à envahir les terrains.
  • Mes grosses fleurs orangées, parfois jaunes, embellissent  le jardin. Elles attirent les insectes pollinisateurs. Récoltez mes fleurs au fur et à mesure de leur floraison, de mai à octobre, de préférence en début de matinée, avant qu’elles s’ouvrent complètement.
    • Mes « pétales » décorent magnifiquement salades, soupes, et autres plats. [Utilisez-les entiers dans les salades ou en garniture; hachés avec des œufs, avec des purées de légumes, dans des soupes ou des sauces].
    • Secs, ils remplacent le safran (utilisées dans le riz). Laissez-les sécher sur une grille. On peut me consommer tout simplement en agrémentant nos salades de quelques grammes de fleurs séchées.
  •  Mes feuilles sont aromatiques.
  •  Mes boutons peuvent être mis dans le vinaigre.
  • Je participe à la préparation d’infusions – sans dépasser deux semaines de traitement –, pour soulager les problèmes  digestifs ou hépatiques. Un gargarisme effectué avec l’infusion refroidie permet de soulager les inflammations des muqueuses de la gorge et de la bouche. Je possède des propriétés astringentes, purifiantes, cicatrisantes, fongicides, anti-inflammatoires.
  • Je suis une plante médicinale aux multiples vertus: en usage externe, je soigne les problèmes dermatologiques comme les coups de soleil, les petites blessures.

Apprenez à ne plus nous considérer comme des ennemies mais plutôt comme des amies. Nous nous en supplions, épargnez-nous, nous ne voulons que votre bien.

Il est possible d’entretenir son jardin en adoptant une attitude de coopération avec la nature, un compris entre le jardin « fouillis » (dont le mien) et le jardin trop strict.Jardin "fouillis"

Nous devons remettre en questions notre vision de « l’entretien » d’un jardin. Ce réflexe d’arracher et de détruire ces herbes est ancré profondément en nous qu’il en est devenu inconscient.

Jardin ordonné

Rééduquons notre regard face à ces plantes qui ne doivent plus être considérées comme nos ennemies. La grande majorité d’entre elles, consommées avec modération, sont d’excellentes salades, surprenantes par leur goût et leur texture.

La biodiversité commence au pas de sa porte, dans son propre jardin. N’agissons pas contre la nature, mais avec elle.

J’incitais les élèves à personnaliser leur exposé, en se mettant à la place de la personne, de l’animal ou de la « chose » à défendre, afin que leurs propos soient plus pertinents. Hélène, une fervente adepte de ce style,  est devenue… avocate. Espérons que mon « plaidoyer » vous aura convaincus !

Soyez tenu(e) au courant du prochain article

Rendez-vous pour découvrir d’autres « mauvaises herbes » comme le plantain lancéolé,  qui poussent naturellement dans les jardins riches en azote comme « les jardins familiaux de Challans en Vendée ».

N’hésitez pas à déposer un commentaire. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions le plus rapidement possible.

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